Journal du 6 au 10 février 2024

Ce que j’ai lu

La littérature du dernier dix-neuvième siècle et celle du premier vingtième siècle, des noms qui sonnent démodés désormais, Paul Valéry, Jean Giraudoux, Georges Bataille, des œuvres que le temps a peut-être dévêtues de leur force d’évocation : Valéry pétant dans l’azur (Monsieur Teste), Giraudoux alignant les clichés teutons (Siegfried et le Limousin), Bataille poussant le vice jusqu’à le rendre lourd (Histoire de l’œil). Reste Céline, le plus ignoble de tous, le plus génial aussi, et se plonger dans des œuvres plus anciennes mais que le vieillissement ne touche pas, ce début du second livre de Don Quichotte, si moderne (la bêtise de Sancho Pansa, tellement plus réjouissante que l’intelligence de Monsieur Teste).

Ce que j’ai vu

Pour défendre Valéry (et c’est pour cela que je l’ai lu), William Marx exhume le cours du maître au Collège de France et répond aux critiques (Nathalie Sarraute délicieusement cruelle), mais avouons que Paul Valéry, on peine, trop abstrait, trop philosophe, trop bien élevé ; alors on regarde Les 100, ça se massacre à tout va, ça torture, ça tente des approches de paix qui foirent, ça expérimente sur des humains, ça crée des démons, ça se regarde avec ce plaisir coupable de l’intello qui voudrait n’aimer que les azureries foireuses et les freudiennes débauches mais qui souvent préfère les histoires d’adolescents qui veulent sauver le monde et s’entretuent à tout va quand ils ne baisent pas en toute chasteté de série télévisée, c’est-à-dire hors écran.

Ce que j’ai entendu

De la musique classique plus que classique, les grands succès du genre, ceux qu’on connaît par cœur et aussi des chanteuses (Marie-Paule Belle, Françoise Hardy), écoutes assez banales que celles récentes, envie de revenir aux bases, trêve dans la découverte, on ressort les vieux CD.

Ce que j’ai fait

Toujours papillonnantes, mes créations et mes réalisations, quelques accords de guitare, le même trait de clarinette mille fois, une écriture qui ressasse, des cours repris des années précédentes (la phase créative, le projet inédit, on s’y remet dès demain, voyage à Paris, quatre jours, un livre à écrire, à Paris, en quatre jour, écrire pour créer un objet, voilà peut-être un moyen de relancer la machine, et surtout : l’offrir, cet objet, aux gens qui compte, pour faire semblant de ne pas voyager seul).

Journal du 7 au 12 janvier 2024

Ce que j’ai lu

Tous azimuts, toujours, avec beaucoup de David Lodge, L’auteur ! L’auteur !, Henry James et le théâtre, cette partie centrale du livre autour de cette pièce, Guy Domville, les points de vue multiples sur la première, l’auteur qui fuit, le compte à rebours, triomphe ou débâcle ? On lit ceci comme si on était Henry James, comme si sa pièce, c’était la nôtre, alors quand le couperet tombe… puis le roman devient mélancolique, les amis meurent, l’auteur vieillit, et on lit d’autres histoires, des récits de voyage de Philippe Rahmy, les aventures orientales d’un captif qui pourraient bien s’appeler Miguel de Cervantès, un étrange objet qui ne cesse de grandir.

Ce que j’ai vu

Une nouvelle série, Les 100, le retour sur la terre de cent jeunes (des ados, plus ou moins, de jeunes adultes, avec tout ce que cela comporte de clichés, de coucheries, de niaiseries, de corps parfaits, mais aussi un côté Sa majesté des mouches, une société à reconstruire dans un univers hostile, vide de prime abord, mais…). D’autres réflexions sur le pouvoir, des conférences autour des prophéties impériales au Moyen-Âge, des images glaçantes sur la menace fasciste qui augmente, des gens (ceux-là, celles-là, si précieux dans un tel contexte) qui parlent de livre, Azélie Fayolle, Bruno Lalonde.

Ce que j’ai entendu

Marie-Paule Belle, chanteuse hors du temps, charmeuse hors pair, le plaisir de l’entendre parler, chanter, rire. François Morel, de vieilles archives d’interviews ratées, C’est mieux que rien, ce talent, cette tendresse, ce rire, aussi, François Morel. Et Callas, et George Clinton, ce titre, Open your mind… and your ass will follow, à méditer, tant le cul, ça se passe dans la tête (et la tête dans le cul, sous LSD, George Clinton, en ce temps-là).

Ce que j’ai fait

Plein de choses, pas grand-chose. Créateur éparpillé. Des vidéos, des notes, de la musique, mais la technique, mon point faible c’est la technique, je devrais m’acharner plus, moins papillonner, et des chansons aussi, Les filles de la piscine, ça s’appelle, le nageur myope (piège de la rime, n’y point tomber), et enseigner, lancer des salons littéraires, rendre Molière lisible (la langue de Molière, disons-le, est une langue morte, plus personne ne la comprend). Toujours pas d’écriture au long cours.