Ce que j’ai lu
Le czar de Russie m’a profondément déçu ; je l’ai trouvé pignouf.
Gustave Flaubert
C’est une lettre à George Sand datée du 15 juin 1967, George Sand que Flaubert nomme « chère maître ». Alors que le grand auteur s’acharne à peaufiner son style, qu’il passe cinq ans à gueuler L’éducation sentimentale, qu’il en ressort avec au fond de l’âme une haine profonde de la petitesse bourgeoise, voilà qu’il se lâche et que cela fait le plus grand bien, semble-t-il même si soudain les malheurs s’accumulent, les amis meurent, la guerre survient, Flaubert se retrouve seul, son bouquin sur lequel il a tant sué reçoit un accueil mitigé, il se plaint de ne pas recevoir assez de visites de sa nièce et de sa chère amie de Nohant, il s’occupe de sa vieille mère et voudrait bien pouvoir écrire mais c’est peine perdue, alors ce sont des lettres qu’il pond, et lire ces lettres, c’est pénétrer dans l’atelier, dans la tête, dans le cœur de Flaubert et c’est peut-être ainsi qu’il faudrait entrer dans son œuvre, par ses à-côtés, par cette misanthropie de plus en plus franche, par la tendresse d’un oncle ganachon qu’on laisse se déplumer dans son coin mais qui nous, nous remplume.
Ce que j’ai vu
Dans Les 100 (je ne sais pas quelle saison, la quatre, je crois), l’ennemi, de plus en plus c’est l’IA : dans la Cité des Lumières, on ne souffre pas. C’est une utopie (demandez au pauvre Flaubert qui perd Bouilhet puis Duplan puis Sainte-Beuve puis Jules de Goncourt puis qui voit les Prussiens s’approcher de Croisset, ce que c’est que souffrir) mais un monde où l’on ne souffre pas c’est un monde où ceux qu’on a aimés on les oublie et ce n’est pas un monde vivable comme n’est pas vivable un monde où l’on ne meurt pas. Un monde où l’on ne souffre pas, c’est, dans Les 100, une dystopie. Raven s’en rend compte. Elle veut retrouver le souvenir de ses disparus.
Ce que j’ai entendu
Musicopolis, la musique dans la cité et cette question de la place des femmes dans l’histoire de la musique, leur place à la radio, au disque, au concert, leur place aussi dans les algorithmes. Depuis quelque temps, je lance l’algorithme systématiquement par une compositrice, jamais la même (cette mine, Que demander à Clara ?, je les prends dans l’ordre alphabétique, j’arrive bientôt à la fin de la lettre A) et ce qui suit ce sont toujours les sempiternels Bach (le père), Mozart (le frère) et compagnie, pas une seule femme, pas un seul retour de celles déjà découvertes (et déjà oubliées). L’algorithme est désespérément conservateur : non seulement les musiques de femmes sont invisibilisées mais c’est aussi le cas de la musique contemporaine (nombres de ces compositrices sont vivantes) qui nous renvoie encore et toujours aux éternels Schumann (le mari), Brahms (l’amoureux transi) et tutti quanti.
Ce que j’ai fait
Bien peu, malgré le temps propice des vacances. Des éclats et des égarements. Relecture au sabre de Fribourgs, difficulté à chanter l’intime d’une, formation lente des callosités aux doigts du guitariste trop amateur, montage de quelques vidéos (celle-ci que l’auteur me fait l’honneur de commenter, celles encore à venir), tentative infructueuse de compréhension d’un exercice censément heureux que m’a envoyé ma prof de clarinette juste avant sa fuite en Égypte, quelques notes prises au vol dans le carnet, mauvaises notes sans doute, occupations dilettantes, histoire de passer le temps sans sécher.