Journal du 3 au 7 mars 2024

Ce que j’ai lu

Roman policier ou affaires réelles, la frontière est souvent ténue : Cercueils sur mesure de Truman Capote, récit véridique non romancé d’un crime américain ; Il était deux fois, roman de Franck Thilliez dans lequel un autre roman, inventé (mais tout roman est inventé), modifie la réalité (du moins la réalité du roman, c’est-à-dire la fiction). Vertige du double lecteur : qu’est-ce qui est réel ? qu’est-ce qui ne l’est pas ? Quand on lit, tout est réel et tout est irréel, en même temps. On sait que les personnages sont de papier mais on sent qu’ils sont aussi des personnages réels. Autre lecture du moment : Don Quichotte. C’est peut-être dans ce livre-là que naît ce trouble.

Ce que j’ai vu

YouTube, si l’on ne s’y perd pas, est une mine. On y trouve des gens passionnants (et passionné), on s’y laisse hypnotiser par François Bon, on y fait l’exégèse de Sacré Graal ! avec Pacôme Thiellement, on vole quelques images des jours (de tous les jours) avec Patrick Müller. Netflix, c’est plus carré, mais cette série, Les 100, tourne à l’horreur et au dilemme moral permanent, ce qui fait qu’on se laisse happer. Mais le soir on va au théâtre et c’est Racine, Andromaque, et on en ressort abasourdi, à la fois enthousiaste et déçu, fatigué par tant d’intensité, éreinté par les mots, la beauté des alexandrins, la force d’une langue qui creuse l’âme des personnages au moment crucial de leur vie, personnages mis à nu par les mots qui les traversent et par l’implacable arbitraire de leurs sentiments. Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort : quand on a résumé la pièce ainsi, on n’a encore rien dit, on n’a encore rien compris, on ne s’est pas encore mis à la place de chacun des personnages et c’est seulement une fois le spectacle terminé qu’il résonne en nous. On en a un peu parlé à chaud en sortant mais dans de tels moments on ne peut dire que des banalités ou des énormités, mais vient la nuit : insomnie ; on croit entendre à nouveau les plaintes de tous, on meurt une nouvelle fois avec eux, et au matin on part en quête d’une parole :

Et je lui porte enfin mon cœur à dévorer.

Oreste ivre se perd, Hermione ne rit plus, Andromaque n’est plus, Pyrrhus assassiné a rejoint le mari d’Andromaque. Tout cela, ce flux de passions, n’est pas jouable sur un crouille théâtre mais le jeu des comédiens, qui parfois en font trop et parfois pas assez, s’insinue comme un poison dans nos théâtres intimes.

Ce que j’ai entendu

Il fut question de bâtisseurs et d’un retour à Paris, le Notre-Dame de Viollet-le-Duc, la tour en fer de Gustave Eiffel, et Versailles, pour fuir la grande ville et pour écouter ces musiques apaisantes qui poussent à la lecture (citer au passage Vivaldi, Debussy, Francis Poulenc).

Ce que j’ai fait

Les filles de la piscine, la chanson s’achève sur un plongeon. Il est temps de me jeter à l’eau, de les chanter pour de bon, ces chansons, mais avec qui ? En attendant, je m’essaie à la guitare mais les doigts sont hésitants comme ils le sont à la clarinette. À force de tout faire, on ne fait tout qu’à moitié, mais la moitié de tout, ce n’est pas rien. Et écrire ? Toujours des bribes par-ci par-là. Source tarie on dirait, en attendant le printemps.

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