Pierre Benoît : Les Agriates

Parmi les livres que j’ai toujours vus à la maison, il y a celui-ci, avec le nom de jeune fille de maman inscrit dedans : Les Agriates de Pierre Benoît, publié en 1950 aux éditions Albin Michel. Je me suis donc décidé à le lire et me voilà transporté dans une Corse qui n’est pas épargnée par les clichés.

Journal du 22 au 26 avril 2024

Ce que j’ai lu

Les modes passent. Certains livres passent de mode. Pierre Benoît a eu son heure de gloire. Sur ce vieux livre de poche, Les Agriates, est inscrit le nom de jeune fille de maman. Cela date de 1950 (maman n’était pas née). Je lis avec circonspection : la Corse, la vengeance, l’amour assassin, l’honneur, les paysages sauvages (et pourtant, à certains moments, j’accroche) (mais tuer pour un adultère, cela semble si ridicule, ici et aujourd’hui, si tragiquement ridicule) (et la figure de la femme fatale, il serait temps de tourner la page) (dans ma bibliothèque à lire, il reste un dernier Pierre Benoît, il attendra).

Ce que j’ai vu

– Alors, qu’est-ce que t’as fait ?

– J’ai vieilli.

C’est ainsi que se termine Zazie dans le métro, dont Zabou Breitman a fait une comédie musicale. Une comédie musicale, en 2024, à partir de ce vieux bouquin des années 50 ? Je suis sceptique. Puis le spectacle commence : Doukipudonktan. Une vieillerie, Zazie dans le métro ? Il y est question de grève et de fluidité des genres, de surtourisme et d’inceste, on s’y insulte avec génie, on s’y aime avec délicatesse, on y fugue et on y musarde, on y court, on y rit, on y pleure, on y joue de la clarinette, on dirait un film de Jacques Tati et un vieux Maigret, et non, ça n’a pas pris une ride, on l’adore, cette Zazie, et qu’est-ce qu’elle nous énerve, cette petite effrontée, mais à la fin du spectacle, si Zazie a vieilli, nous, on a rajeuni.

Ce que j’ai entendu

Lors de mon dernier séjour à Paris (où je n’ai pas vu la Sainte-Chapelle en ciré jaune), place du Panthéon, c’était le branle-bas de combat, on montait des tréteaux, on installait des cantines, on s’apprêtait à honorer qui, je l’ignorais (j’ai imaginé d’étranges et ridicules panthéonisations dans le petit bouquin que j’ai ramené de mon voyage). Aujourd’hui, je tombe par hasard sur Feu ! Chatterton chantant L’affiche rouge de Louis Aragon et Léo Ferré. Je l’écoute deux fois, peine à retenir mes larmes. La troisième fois, je ne me retiens pas. Il n’est plus question d’ironie. Cette chanson est sacrée.

Ce que j’ai fait

Faute d’inventer des chansons sacrées, boutiquons de sacrées chansons. Je trouve un truc pour conclure Journal intime sans aller lire ce qu’elle y écrit. Il est temps de penser à leur donner vie, à ses chansons que pour l’instant je fredonne sous la douche. Un aperçu ? Alors il nage, il nage, il nage, il nage, il nage, il nage, il nage (sans la musique, ça perd son charme) (je me faisais cette même réflexion à propos de Zazie dans le métro : avoir ajouté de la musique au livre, c’est peut-être ça qui le remet au goût du jour).