La citation du jour (13.11.23-29.11.23)

Chaque soir glaner dans les lectures du jour une citation, une phrase ou deux, et les recopier, sans en donner la source. Au bout de quelques citations, en révéler l’autrice ou l’auteur et réfléchir au sens de tout cela.

29.11.23

Va, cours, vole, et nous venge.

Corneille, Le Cid, 1637.

28.11.23

Plus l’offenseur est cher, et plus grande est l’offense.

Corneille, Le Cid, 1637.

27.11.23

Le post-véritisme est cette tentative consistant à faire disparaître la vérité objective au sein d’un univers démocratique en la dissolvant, en quelque sorte, de l’intérieur. Ce qui est tout, sauf démocratique. Ainsi le totalitarisme et le post-véritisme sont l’application, sous des régimes opposés, d’une seule et même stratégie : rompre toute relation entre le langage et la réalité, et empêcher tout accès à la vérité objective, de manière à détruire les conditions même de la liberté.

Claudine Tiercelin, La Post-vérité ou le dégoût du vrai, 2023.

26.11.23

Il se requinque vite les moustagaches… Le voilà paré ! Il remonte au jour… Il se présente dans une brillante forme… Déjà il avait son topo tout prêt dans l’esprit… tout baveux… complétement sonore !… Il nous éblouissait d’emblée sur la question des plongeurs ! L’historique de tous les systèmes depuis Louis XIII jusqu’à nos jours ! Les dates, les endroits, les prénoms de ces précurseurs et martyrs !… Et les sources bibliographiques… et les Recherches aux Arts et Métiers !… C’était proprement féérique… Le cureton il en rotait ! Il rebondissait sur son siège de joie et de délectation…

Louis-Ferdinand Céline, Mort à Crédit, 1936.

25.11.23

Elle l’avait aimé avec désinvolture et un certain esprit de décision, qui valait pour deux, comme elle aimait cette saison, suspendue entre l’hiver et le printemps, cette indécision qui répondait à la sienne, l’affadissant de tout avant le regain, la lune, à cette époque de l’année, gigantesque, solaire, gorgée d’eau.

Véronique Sales, Le Livre de Pacha, 2010.

24.11.23

– Ah ! les premières fleurs qu’elles sont parfumées !

Et qu’il bruit avec un murmure charmant

Le premier oui qui sort des lèvres bien-aimées !

Paul Verlaine, Poèmes saturniens, 1866.

23.11.23

Ils se redressaient hypnotisés, le regard figé par la stupeur !… Alors je surveillais les couteaux… Y avait du vent dans les assiettes !… Je m’arc-boutais le dos au mur !… La soupière en guise de fronde !… Prêt à bloquer l’agresseur !…

Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit, 1936.

22.11.23

Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins.

Jean Racine, Phèdre, 1677.

21.11.23

L’ancre, gigantesque et noire, luisait sur le sable, miroitait comme un fragment d’aérolithe, résonnait presque. Il y avait posé la main, s’étonnant de la sentir tiède sous sa paume, pas froide comme le métal, non, tiède, un organisme, une étoile tombée et pas encore éteinte, quelque chose qui vivait et respirait, d’un souffle égal, comme, à quelques mètres à peine, le bruit de la mer.

Véronique Sales, Le Livre de Pacha, 2010.

20.11.23

Peut-être que c’est ça, l’agriculture : en venir aux mains avec la nature.

Marin Fouqué, À la terre, 2023.

19.11.23

Pour aller au pain, on prenait par les taillis vers un village, la tante disait “On sera vite à Hérémence”, et ce nom d’errance nous plongeait dans la rêverie.

Jérôme Meizoz, Fantômes et autres nouvelles, 2010.

18.11.23

Voir, penser, aimer : voilà – à une époque où la perception se croit automatique et n’existe plus qu’à travers l’instantanéité – ce qui implique un effort, voilà ce qui est difficile.

Yannick Haenel, Charlie Hebdo, 27 septembre 2023.

17.11.23

Les intelligences, comme limaz sortans des fraires.

La volunté, comme troys noix en une escuelle.

Le desir, comme six boteaux de sainct foin.

Le iugement, comme un chaussepied.

La discretion, comme une mouffle.

La raison, comme un tabouret.

François Rabelais, Le Quart Livre, 1552.

16.11.23

Terrible dicton des camps : “Meurs aujourd’hui, et moi demain.”

Varlam Chalamov, Souvenirs de la Kolyma, 2022.

15.11.23

Faictz ce que vouldras.

François Rabelais, Gargantua, 1534.

14.11.23

Adélaïde se demande à quoi ressemble une vie où on se nourrit de poireaux et de morceaux de citrouille. S’il lui est possible d’éprouver du désir au milieu de l’odeur des poireaux.

Chloé Delaume, Le cœur synthétique, 2020.

13.11.23

Ce soir la solitude lui pèse comme un sac plein de chatons qu’on mène à la rivière. Personne ne pense à elle et elle ne pense à personne. Elle est de son vivant, pour le monde, un souvenir.

Chloé Delaume, Le cœur synthétique, 2020.

Réfléxion

On cite, on cite, mais on ne réfléchit plus. Ou trop rarement.

Dressons la liste : Chloé Delaume (deux fois), François Rabelais, Varlam Chalamov, François Rabelais (encore), Yannick Haenel, Jérôme Meizoz, Marin Fouqué, Véronique Sales, Jean Racine, Louis-Ferdinand Céline, Paul Verlaine, Véronique Sales (encore), Louis-Ferdinand Céline (toujours), Claudine Tiercelin, Pierre Corneille (deux fois).

Tout et n’importe quoi ? Peut-être. Des mots durs, des mots doux, des mots difficiles ou évidents, des mots qui passent et qui s’envolent (va, cours, vole).

Choisir ? Ou pas (faictz ce que vouldras). En venir aux mains ? En venir aux mots. Murmure charmant (seule vérité indéniable). Et ce nom d’errance, Hérémence. Aimer les mots ? Certes, mais avec désinvolture. Mais ne pas les aimer moins. Voir, penser, aimer. Et mourir après-demain.

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